Le championnat haïtien de football professionnel devrait reprendre ses droits le dimanche 25 février 2024, dans un format « spécial », après plus de 3 ans d’attente. La Fédération Haïtienne de Football (FHF), pressée par nombre de clubs, va donc relancer la compétition dans un contexte de crise socio-politique des plus difficiles. Entre insécurité et problèmes liés à l’organisation, la reprise des activités sportives en Haïti à l’heure actuelle laisse entrevoir la « chronique d’un échec annoncé ».
«Le football manque aux Haïtiens, les compétitions manquent aux clubs !». Par ces mots se résument les cris des joueurs et des clubs haïtiens inactifs depuis trois ans. Après maintes réunions, les clubs de D1 et la FHF ont pu trouver une entente autour de l’organisation d’un championnat national « Spécial » qui regroupera 15 équipes réparties en trois groupes de cinq ( Nord, Artibonite, Ouest/Sud). Si la nouvelle fait naître une lueur d’espoir pour un championnat à l’arrêt depuis longtemps, certaines interrogations persistent encore quant à son organisation et sa réussite.
Tout d’abord, force est de constater que certains clubs de renom ont décidé de ne pas prendre part à la compétition. C’est le cas par exemple de l’Arcahaie FC, de l’AS Mirebalais ou encore du Don Bosco FC de Pétion-Ville qui avait pourtant décidé d’y participer et qui a, enfin, décliné l’invitation à la dernière minute. Ce dernier sera remplacé par le Racing Club Haïtien, selon les dernières nouvelles.
Par ailleurs, le point le plus important qui peut compromettre l’organisation du championnat est l’insécurité qui ronge le pays depuis les trois dernières années et qui , rappelons-le, était à l’origine de l’arrêt du championnat en 2021, empiré par la pandémie de COVID-19. À l’heure où l’on annonce la reprise du championnat, il est clair que la situation sécuritaire du pays s’est considérablement détériorée avec la proliferation des foyers de gangs qui contrôlent la majorité des routes nationales.
À preuve, la Vallée de l’Artibonite est tout aussi dangereuse avec l’existence de plusieurs groupes de gangs qui kidnappent, violent, rançonnent et assassinent les passagers comme des bêtes sauvages. L’attaque contre le mini-bus le dimanche 18 Février 2024, à Morne-Cabri est l’exemple vivant.
Dans un contexte aussi difficile, le déplacement des équipes de football s’avère donc périlleux pour les joueurs de football, d’autant que les gangs ne semblent pas faire d’exception dans leurs attaques à répétition contre les personnes empruntant les « territoires perdus » qu’ils contrôlent. Des zones où même la police ne risque de s’aventurer, voire de simples citoyens.
En outre, l’autre point d’interrogation concerne les arbitres. Il semblerait que ces derniers n’ont pas encore décidé à remonter les terrains de football en raison de leurs differends avec les responsables de la FHF en ce qui a trait aux arriérés de paiement et à leurs prétentions salariales.
Par ailleurs, sachant que le championnat national haïtien était déjà le théâtre de violences flagrantes contre les arbitres par les fans « dans les moments de calme » , qu’en sera-t-il dans ce contexte d’insécurité généralisée où la vie humaine semble banalisée?
Une décision controversée d’un arbitre ne risque-t-il pas de mettre sa vie en grand danger? La situation sécuritaire aura sans doute pour corollaire d’accroître la pression sur les épaules des arbitres dont l’impartialité sera mise à rude épreuve.
De plus, des interrogations sont tout aussi légitimes quant à la préparation des équipes de football. Dépourvues de grands moyens et d’un délai raisonnable pour la préparation, les équipes de football se présenteront difficilement dans des conditions physiques optimales pour assurer le spectacle attendu par les fans. Démobilisés depuis plusieurs années, les joueurs de football auront besoin des conditions physiques et mentales nécessaires pour jouer au football.
Des conditions que les clubs ne semblent pas en mesure d’assurer de par les difficultés et les défis auxquels ils font face depuis des ans.
Enfin, Quid des fans de football ?
Si certains fans semblent ravis à l’idée d’un retour du championnat national dans le format annoncé, d’autres restent sceptiques quant à leur déplacement dans les stades. Entre insécurité et décapitalisation voire de paupérisation, l’engouement des fans semblent prendre un coup et leur présence massive dans les stades n’est pas un pari gagné d’avance. Dans cet ordre d’idée, les recettes pour les équipes déjà pauvres, tendraient à s’amoindrir.
Fort de ce constat, le retour du championnat national envoie des signaux peu positifs qui augureraient un succès. Le championnat « spécial » aura quoiqu’il en soit « une saveur inhabituelle » à tous les égards.
Tout n’est que d’attendre !
Domond W. / FOOTGOL